FTR Now
Le rapport final de l’examen portant sur l’évolution des milieux de travail – Analyse des normes d’emploi
Date: May 25, 2017
Dans notre troisième mise à jour relative au rapport final de l’examen portant sur l’évolution des milieux de travail (le « Rapport final »), nous axons notre analyse sur les recommandations liées à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi. Alors que plusieurs recommandations portent sur des changements proposés à des normes spécifiques, le Rapport final insiste particulièrement sur les mesures de conformité dans le cadre d’initiatives tant dans le domaine de l’éducation que de l’application de la loi, le tout en vue de parvenir à une « culture de convenance et de conformité » en Ontario.
Analyse des normes d’emploi
Le mandat des conseillers spéciaux dans le cadre de l’examen portant sur l’évolution des milieux de travail était vaste et comprenait une analyse de deux lois très importantes : la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la « LNE ») et la Loi de 1995 sur les relations de travail (la « LRT »). Dans le cadre de ce mandat, les conseillers devaient se pencher prioritairement sur la situation des travailleurs vulnérables engagés dans des emplois précaires; ce premier élément est reflété dans tout le Rapport final. Cette préoccupation explique probablement l’attention particulière accordée à la LNE dans le Rapport final : parmi les 173 recommandations spécifiques des conseillers spéciaux, approximativement 140 ont trait à la LNE et à la conformité aux normes minimales. Compte tenu du nombre important de recommandations et de l’ampleur de la réflexion, notre analyse se limitera à ce que nous croyons être les recommandations les plus pertinentes pour les employeurs.
Nous rappelons à nos lecteurs que, en dépit de la couverture médiatique afférente à la publication du Rapport final eu égard à l’enjeu du salaire minimum à 15 $ l’heure, les changements au salaire minimum ne faisaient pas partie du mandat des conseillers spéciaux et n’ont pas été traités dans le Rapport final.
Les recommandations concernant les normes spécifiques
Dans cette première section du présent bulletin, nous allons mettre en lumière quelques-unes des recommandations des conseillers spéciaux concernant certaines normes spécifiques. Bien que plusieurs recommandations amélioreraient les droits des employés, certaines autres favoriseraient les intérêts de l’employeur et doivent être notées.
Salaire égal pour les employés à temps partiel, occasionnels, temporaires et saisonniers
Une des recommandations clés est que la LNE devrait être modifiée en vue d’y insérer une règle générale selon laquelle aucun employé ne doit avoir un salaire inférieur à celui des employés à temps plein du même employeur qui effectuent un travail comparable. Par souci d’équité, les conseillers spéciaux appliqueraient ce principe aux employés à temps partiel, occasionnels, temporaires ou saisonniers. Cependant, cette recommandation comporte deux limites importantes :
- Premièrement, la règle générale ne s’appliquerait pas lorsque des motifs objectifs pourraient justifier un salaire horaire différent, notamment en présence de systèmes basés sur l’ancienneté ou le mérite ou lorsque la rémunération est calculée selon la quantité ou la qualité;
- Deuxièmement, la règle générale se limiterait aux salaires, et les conseillers spéciaux n’ont pas recommandé de l’appliquer aux avantages sociaux ou aux régimes de retraite. Plutôt, les conseillers spéciaux ont invité le gouvernement à étudier comment un minimum d’avantages sociaux pourrait être offert dans tous les milieux de travail.
Les horaires de travail et les enjeux qui y sont associés
Le Rapport final contient une importante réflexion concernant les horaires de travail et les enjeux qui y sont associés. Les conseillers spéciaux ont recommandé que la LNE prévoie des pouvoirs gouvernementaux en vue de se pencher sur la question des horaires de travail par secteur. Ils ont également recommandé que le gouvernement priorise l’élaboration de la réglementation pour certains secteurs, notamment le commerce de détail et la restauration rapide. Le Rapport final contient aussi une recommandation aux termes de laquelle les employés devraient avoir le droit de demander des changements à leur horaire de travail, et ce, sur une base annuelle. L’employeur aurait une obligation correspondante de discuter de la demande avec l’employé et de fournir des motifs écrits (sur demande) si la demande de l’employé est refusée.
Les heures de travail et le paiement des heures supplémentaires
Le Rapport final comporte quelques recommandations au sujet des dispositions de la LNE relatives aux heures de travail et au paiement des heures supplémentaires. Pour ce qui est du consentement des employés à travailler des heures supplémentaires, les conseillers spéciaux recommandent, d’une part, que la LNE prévoie clairement qu’un consentement fourni par voie électronique est acceptable et, d’autre part, que le gouvernement se penche sur la mise en place d’une réglementation sectorielle permettant à une majorité d’employés de milieux de travail non syndiqués d’accepter au nom de tous les employés de travailler des heures supplémentaires. Par contre, ils n’ont pas recommandé de modifier la règle dite « des onze heures » selon laquelle les employeurs doivent accorder onze heures consécutives de repos chaque jour.
Sur une note positive pour les employeurs, les conseillers spéciaux ont recommandé que le ministère élimine le besoin d’obtenir l’autorisation du Directeur des normes d’emploi pour les heures supplémentaires entre 48 et 60 heures par semaine. Qui plus est, ils n’ont pas recommandé de changement au seuil général pour le paiement des heures supplémentaires, soit 44 heures dans une semaine.
La recommandation principale touchant le paiement des heures supplémentaires est qu’il y ait des limites plus strictes lorsque les employeurs ont la possibilité de conclure avec leurs employés des ententes sur la moyenne d’heures travaillées. Selon cette recommandation, le calcul du temps supplémentaire à partir de la moyenne des heures travaillées est autorisé lorsque cela permettrait une semaine de travail condensée, des quarts de travail continentaux ou d’autres horaires de travail plus flexibles requis par l’employé. Lorsque le calcul du temps supplémentaire à partir de la moyenne des heures travaillées est destiné à satisfaire aux exigences de l’employeur en matière d’horaire de travail, les conseillers spéciaux recommandent que l’autorisation soit limitée aux circonstances dans lesquelles le nombre total d’heures travaillées n’excède pas le seuil du temps supplémentaire pour la période à partir de laquelle la moyenne est calculée.
Le congé d’urgence personnelle
Les conseillers spéciaux recommandent des modifications au congé d’urgence personnelle suivant le projet-pilote mis en place par le passé dans le secteur automobile (discuté en détail dans le FTR Now daté du 20 décembre 2016 et intitulé Ontario Launches Personal Emergency Leave Pilot Project [L’Ontario lance son projet-pilote concernant le congé d’urgence personnelle]). Selon la recommandation, le congé d’urgence personnelle consisterait en un droit à deux volets :
- Sept jours d’urgence personnelle par année civile; et
- Trois jours de deuil par décès de membres de la famille prédéterminés, et ce, sans égard à la période pendant laquelle surviennent ces décès.
En outre, les conseillers spéciaux recommandent d’éliminer le seuil de 50 employés, ce qui signifierait que le congé d’urgence personnelle serait accessible à tous les employés dans tous les milieux de travail de l’Ontario. De surcroît, le Rapport final contient une recommandation en vue de permettre qu’un congé soit demandé en cas de situations de violence familiale.
Malgré qu’ils aient discuté de cet aspect dans le rapport intérimaire, les conseillers n’ont pas recommandé que la LNE soit modifiée en vue de prévoir des jours de maladie payés.
Autre préoccupation particulière pour les employeurs, les conseillers spéciaux ont recommandé que la disposition dite « du meilleur droit ou avantage » de la LNE ne s’applique pas au congé d’urgence personnelle pour faire en sorte que tous les employés aient accès à l’ensemble des congés de base. Les conseillers spéciaux n’ont pas émis de commentaires quant à savoir si les congés payés tels que les congés maladies pourraient être déduits des congés d’urgence personnelle d’un employé.
Les autres congés
Pour ce qui est des autres congés, les conseillers spéciaux ont recommandé que le congé familial pour raison médicale (disponible en présence d’un risque significatif de décès de certains membres de la famille) soit élargi en vue de permettre une durée d’au plus 26 semaines dans une période de 52 semaines, le tout faisant écho aux changements mis en place par le gouvernement fédéral aux prestations de maladie et de compassion prévues à la Loi sur l’assurance-emploi. La durée du congé actuel est d’au plus 8 semaines dans une période de 26 semaines.
Le rapport mentionne également une recommandation d’appliquer le congé relatif au décès ou à la disparition d’un enfant par acte criminel à tout décès d’enfant.
Les vacances et jours fériés
Le Rapport final comprend une recommandation (certains diront sans surprise) d’augmenter, après cinq années d’emploi, la durée des vacances à trois semaines et l’indemnité de vacances à 6 %. À cet égard, l’Ontario et le Yukon sont les deux seules autorités législatives au Canada qui limitent la durée des vacances à deux semaines et l’indemnité de vacances à 4 %, quelle que soit la durée du lien d’emploi.
En matière de jours fériés, les conseillers spéciaux se sont penchés sur un certain nombre de manières de simplifier les dispositions de la LNE concernant les jours fériés qui sont notoirement complexes. Finalement, ils ont recommandé que le gouvernement effectue une autre étude de ces dispositions en vue de les remplacer par des règles plus simples.
L’application de la LNE
Le Rapport final contient de nombreuses dispositions en ce qui a trait à l’application de la LNE, y compris une définition de qui est un « employé », une disposition expliquant qui devrait être exclu de l’application de la LNE et une autre indiquant comment aborder les multiples exemptions se trouvant dans la loi et les règlements. Nous notons quelques recommandations clés.
La notion d’entrepreneurs dépendants
Les conseillers spéciaux ont recommandé que la LNE soit modifiée en vue d’inclure les « entrepreneurs dépendants » dans son champ d’application. Un « entrepreneur dépendant » est un travailleur dont la catégorie se situe entre les « employés » et les « entrepreneurs indépendants » et qui conclut des contrats de services avec des organisations, ses services étant fournis exclusivement ou presque exclusivement à une seule organisation entrainant une relation de dépendance entre les parties. Il n’y a aucune recommandation de prévoir des règles particulières pour les entrepreneurs dépendants.
Les entrepreneurs indépendants
Les conseillers n’ont pas recommandé que les entrepreneurs indépendants soient couverts par la LNE. Toutefois, ils recommandent que le gouvernement fasse de la classification erronée de travailleurs à titre d’entrepreneurs indépendants une priorité en matière d’application de la loi. Ils recommandent aussi l’inversion de la charge de la preuve faisant en sorte que les employeurs doivent prouver que l’entrepreneur n’est pas un employé.
Les stagiaires et employés de la Couronne
Les conseillers spéciaux ont recommandé que l’exclusion des stagiaires de la LNE soit abolie. De façon similaire, ils recommandent que l’exclusion des employés de la Couronne de certaines parties de la LNE soit aussi abolie.
Les exemptions
Tel qu’indiqué dans le rapport intérimaire, les conseillers spéciaux ont déterminé qu’une étude complète des multiples exemptions de la LNE n’était pas réalisable dans le cadre de leur mandat. Le Rapport final réitère leur demande selon laquelle toutes les exemptions de la LNE doivent être revues. Dans cette optique, ils proposent un cadre dans lequel cet examen devrait se faire. Nous ne pouvons examiner cet aspect plus en détail, si ce n’est de noter que ce cadre s’appliquerait sur une base sectorielle sous l’égide de comités spéciaux sectoriels et qu’il comprendrait un processus transparent permettant la participation de tous les intervenants.
En termes d’exemptions spécifiques, les conseillers spéciaux ont recommandé que l’exemption actuelle concernant les tâches de direction et d’encadrement soit remplacée par une exemption qui mettrait l’accent sur un test « salaire plus responsabilités ». Ce test requerrait que la personne effectue certaines tâches de direction spécifiques et qu’elle gagne plus qu’un salaire prédéterminé (la recommandation quant à ce salaire est qu’il soit fixé à 150 % du salaire minimum).
Les conseillers ont aussi recommandé que les salaires minimums particuliers pour les étudiants de moins de 18 ans et pour les serveurs de boissons alcoolisées soient éliminés sur une période de trois ans.
Les agences de placement temporaire
Un élément clé du rapport intérimaire était les agences de placement et l’utilisation d’employés ponctuels par les clients de ces agences. Le Rapport final contient plusieurs recommandations spécifiques à ce secteur. Dans le FTR Now d’hier axé sur la LRT, nous avons noté que les conseillers spéciaux recommandaient que, aux fins de la LRT, les clients qui utilisent les services d’employés ponctuels soient réputés être l’employeur de ces derniers. Cela est sans compter que l’agence est l’employeur aux fins de la LNE.
De plus, les conseillers spéciaux ont recommandé plusieurs modifications à la LNE, y compris ce qui suit :
- Une exigence que les employés ponctuel aient le même salaire que les employés du client effectuant un travail comparable, mais seulement si le service de l’employé ponctuel dure au moins six mois (et sous réserve de certaines conditions destinées à prévenir l’utilisation abusive de la règle);
- Une obligation pour les clients d’informer les employés ponctuels des ouvertures de poste et de traiter leurs demandes de bonne foi;
- Une obligation pour les clients de prendre en considération la candidature des employés ponctuels gagnant moins de deux fois et demie le salaire minimum pour les emplois disponibles avant la fin de leur affectation;
- Une obligation pour l’agence de fournir un avis de fin d’affectation ou de payer une indemnité de départ lorsque cet avis n’est pas fourni (cela serait une obligation distincte de l’avis de résiliation).
Même si la portée de l’examen portant sur l’évolution des milieux de travail ne comprenait pas la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail (LSPAAT), les conseillers spéciaux ont recommandé que la LSPAAT soit modifiée pour faire en sorte que les clients soient responsables des blessures subies par les employés ponctuels dans leur lieu de travail.
Conformité
Tel que noté au début de cette mise à jour, le Rapport final est fortement axé sur les mesures d’application de la loi, y compris une série de recommandations liées aux mesures d’’application de la LNE et aux initiatives d’éducation. Les objectifs de ces recommandations sont, d’une part, d’offrir une protection accrue aux employés qui exercent leurs droits et, d’autre part, de parvenir à mettre en place des mesures d’application stratégiques et uniformes de la LNE.
Mesures prises pour appliquer la loi
Les conseillers spéciaux ont recommandé des initiatives proactives d’application de la loi telles que des inspections ciblées, des vérifications ponctuelles et des audits. Ils ont aussi recommandé une politique d’enquête diligente des plaintes effectuées par des dénonciateurs et par des employés alléguant faire l’objet de représailles. Il y a des recommandations relatives aux mesures facilitant le dépôt de plaintes, notamment le dépôt de plaintes anonymes par l’entremise d’un service téléphonique, par téléphone ou par internet.
Les conseillers spéciaux ont également recommandé une analyse complète de la façon dont le ministère du Travail traite les plaintes qui sont déposées, notamment qu’il n’enquête que les plaintes prioritaires. Pour les plaintes qui ne feraient pas l’objet d’enquête, les conseillers ont recommandé d’avoir recours à la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) comme un forum en vue de donner accès aux plaignants à un processus rapide de résolution des différends. Afin de faciliter l’accès à la justice, la CRTO devrait nommer des vice‑présidents à travers la province pour tenir des audiences localement. La CRTO devrait également préparer des documents visant à aider les particuliers qui ne sont pas représentés avocats.
Les sanctions
Compte tenu du fait que les conseillers spéciaux estiment les sanctions actuelles insuffisantes en vue d’assurer la conformité des employeurs, le Rapport final recommande la mise en place de sanctions accrues pour les employeurs qui ne respectent pas la LNE. Ils recommandent d’élargir la compétence de la CRTO afin qu’elle puisse imposer des sanctions monétaires importantes et d’augmenter les sanctions administratives jusqu’à 100 000 $ par infraction. C’est la nouvelle entité du Directeur de la conformité qui aurait la responsabilité de demander une sanction monétaire administrative. De façon similaire, les conseillers recommandent d’augmenter le nombre d’Avis de contravention et de constats d’infraction émis en vertu de la Loi sur les infractions provinciales.
Les systèmes internes de responsabilité
Le rapport intérimaire a proposé la mise en place d’un système interne de responsabilité (SIR) similaire au SIR mis en place en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail par des comités mixtes sur la santé et la sécurité au travail. Le Rapport final recommande que le ministère du Travail encourage la mise en place d’un SIR par les employeurs sans pour autant rendre les SIR obligatoires.
Éducation
Le Rapport final contient un large éventail de recommandations destinées à améliorer l’éducation et renseigner les employés et les employeurs à propos de leurs droits et de leurs obligations, y compris des stratégies de communication ciblées pour les secteurs affichant un taux élevé de non-conformité et comportant de nombreux employés vulnérables. Plusieurs recommandations visent de mieux faire connaître les dispositions de la LNE portant sur les représailles, notamment l’application plus rapide et plus rigoureuse de ces dispositions et la publication des sanctions imposées aux employeurs qui font des représailles en violation de la LNE.
Conclusion
Comme nous l’avons rappelé à nos lecteurs dans notre mise à jour précédente, le Rapport final contient les recommandations des conseillers spéciaux au ministre du Travail. Le gouvernement devra maintenant examiner ces recommandations et décider lesquelles doivent être adoptées et intégrées dans la législation. Ce processus d’examen pourrait prendre du temps, et certaines recommandations pourraient être mises en place plus rapidement que d’autres (surtout les recommandations pour lesquelles les modifications législatives et réglementaires seraient plus complexes). Hicks Morley continuera de suivre ce dossier et de s’assurer que la voix des employeurs est entendue et prise en considération par le gouvernement dans tout ce processus.
Pour toute question ou demande de renseignements, veuillez contacter votre avocat chez Hicks Morley.
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