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Focus Le rapport final de l’examen portant sur l’évolution des milieux de travail – Analyse de la Loi de 1995 sur les relations de travail
Date: May 24, 2017
Dans cette mise à jour relative au Rapport final des conseillers spéciaux de l’examen portant sur l’évolution des milieux de travail (le « Rapport final »), nous nous concentrons sur les recommandations des conseillers relativement aux modifications proposées à la Loi de 1995 sur les relations de travail (LRT). Bien que certains enjeux clés auxquels nous faisons référence dans notre discussion chevauchent des recommandations relatives à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (LNE), les sections du Rapport final portant sur la LNE feront l’objet d’un FTR Now subséquent qui sera publié demain.
Le Rapport final – Les enjeux relatifs à la LRT
Le Rapport final met de l’avant plusieurs recommandations qui, si elles sont adoptées, auront un impact considérable sur les relations de travail dans la province. Bien que les conseillers spéciaux ne recommandent pas une accréditation par cartes d’adhésion, ils ont expliqué que ce choix est subordonné à cinq autres recommandations ayant trait à l’organisation, à l’accréditation et à la conclusion de la première convention collective, qui encouragent l’augmentation des activités syndicales. Leurs recommandations comprennent aussi l’élargissement de la portée de la LRT en éliminant un certain nombre d’exclusions, en appliquant les droits de succession aux industries de service afférents aux bâtiments, en appliquant une présomption selon laquelle les employés d’une agence de placement affectés chez les clients de l’agence sont réputés être des employés du client aux fins de la LRT et en donnant à la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) de larges pouvoirs de réorganisation des unités de négociation et de mise en œuvre de la négociation sectorielle parmi les franchisés.
La portée de la LRT
Les conseillers spéciaux recommandent que les employés dans les domaines de l’agriculture et de l’horticulture soient inclus dans la LRT de même que les domaines traditionnellement exclus de cette loi, soit l’architecture, le droit, la médecine dentaire, la médecine et l’arpentage. De plus, ils recommandent que la LRT soit modifiée en vue de permettre à la CRTO d’interdire ou de limiter une grève des employés dans ces domaines dans certaines circonstances et d’exiger des parties qu’elles participent à des séances de médiation « intensives ». Pour accompagner le tout, les conseillers spéciaux proposent que la LRT soit modifiée pour permettre à la CRTO d’imposer un mécanisme de résolution des différends, notamment l’arbitrage obligatoire, en vue de résoudre les impasses pouvant avoir lieu lors de la négociation de la première convention collective.
Les employeurs liés et l’employeur véritable
Même si les conseillers spéciaux n’ont pas recommandé de changements au droit régissant les employeurs liés ou la façon par laquelle la CRTO identifie le vrai employeur, ils font une recommandation importante au sujet des employés des agences de placement.
Spécifiquement, ils recommandent que les personnes affectées par les agences de placement à des postes chez les clients de l’agence soient réputées être des employés du client aux fins de la LRT.
Les recommandations examinées ci-dessous à propos des cadres sectoriels, de la réorganisation des unités de négociation et des franchisés donneraient à la CRTO un nouveau pouvoir en vue de rassembler différents employeurs aux fins des relations de travail.
L’accès à la syndicalisation
Les conseillers spéciaux ont recommandé la conservation du vote secret pour l’accréditation, mais ont noté que leur soutien au statu quo est conditionnel à ce qu’il y ait des recours appropriés pour la mauvaise conduite de l’employeur et d’autres modifications visant l’organisation syndicale et les négociations entourant la conclusion de la première convention collective. À cette fin, le Rapport final comprend une série de recommandations devant être adoptées intégralement selon les conseillers spéciaux. Ces recommandations comprennent les modifications suivantes :
- Si la CRTO estime que la volonté réelle des employés n’est pas en mesure d’être déterminée en raison des agissements de l’employeur, la CRTO devrait ordonner que le syndicat demandeur soit autorisé à négocier dans ce milieu de travail. Cette procédure est connue sous le vocable d’« accréditation corrective ». Lorsque l’accréditation corrective a été ordonnée, l’arbitrage relatif à la première convention collective serait accessible de plein droit, à moins que le syndicat ait négocié de mauvaise foi ou refuse de faire des compromis sans motif raisonnable;
- La LRT devrait être modifiée pour permettre une approche dite de « médiation intensive » pour toutes les premières conventions collectives; la CRTO aurait dans ce processus un rôle accru afin de guider les négociations, y compris en limitant le recours à la grève ou au lock-out (de même qu’à l’annulation de l’accréditation ou le déplacement du syndicat) et pourrait inclure l’arbitrage de la première convention collective;
- Lorsqu’une campagne d’accréditation est en cours et que le syndicat requérant démontre une apparence de soutien de la part d’approximativement 20 % des employés dans une unité de négociation, la CRTO aurait le pouvoir de demander à l’employeur de divulguer au syndicat la liste des employés dans l’unité de négociation proposée par le syndicat, cette liste devant comprendre l’endroit de travail, l’adresse, le numéro de téléphone et l’adresse courriel personnelle de chaque employé. Les mêmes informations seraient également rendues accessibles à un représentant des employés dans une procédure d’annulation de l’accréditation qui peut démontrer le soutien de 20 % des travailleurs;
L’employeur subséquent
Les conseillers spéciaux recommandent que les « droits de succession » soient appliqués aux domaines des services afférents aux bâtiments (c’est-à-dire la sécurité, les services alimentaires et la conciergerie) et aux soins à domicile fournis par le gouvernement. Si une telle modification devait être adoptée, cela signifierait que lorsqu’un contrat est conclu à la suite d’un appel d’offres ou lorsqu’un appel d’offres est publié pour des services afférents aux bâtiments ou concernant des soins à domicile payés par le gouvernement, tout droit de négocier collectivement et toute convention collective s’appliquant dans le milieu de travail ainsi que les liens d’emploi seraient transférés et lieraient le soumissionnaire ayant obtenu le contrat.
De plus, les conseillers spéciaux recommandent qu’un pouvoir réglementaire soit ajouté à la LRT afin que cet aspect puisse être appliqué à d’autres services ou domaines dans le futur.
La réorganisation des unités de négociation
Les conseillers spéciaux recommandent que la CRTO obtienne de larges pouvoirs en vue de réorganiser, lorsqu’elle juge cette mesure appropriée, les unités de négociation actuelles, et ce, que ce soit avant ou après la mise en place d’une convention collective.
Qui plus est, les conseillers spéciaux recommandent que la LRT soit modifiée d’une manière similaire à l’article 18.1 du Code canadien du travail pour octroyer à la CRTO le pouvoir d’étudier la structure des unités de négociation lorsqu’un syndicat a été accrédité pour un groupe d’employés et que le même syndicat est accrédité pour une unité d’employés dans un autre établissement du même employeur ou pour une autre unité de négociation au même établissement. La CRTO aurait aussi le pouvoir d’appliquer, avec ou sans modification, les dispositions d’une convention collective préexistante entre cet employeur et ce syndicat à l’unité de négociation nouvellement formée.
Sans le préciser clairement, les conseillers spéciaux mettent de l’avant que cette portion de leurs recommandations est destinée à être appliquée dans des secteurs et domaines où les employés ont historiquement été moins représentés par des syndicats.
La justification pour octroyer des pouvoirs de réorganisation et de reconfiguration à la CRTO est la volonté de renforcer les droits des syndicats dans des domaines et secteurs où se trouvent une multiplicité de petits établissements (comme dans le commerce de détail) et peut-être aussi pour que ces pouvoirs soient utilisés dans un nouveau modèle dans lequel la négociation se ferait par secteur ou avec plusieurs employeurs (voir la prochaine section).
Les franchises dans le domaine de la restauration, de la restauration rapide et dans les autres secteurs similaires
Les conseillers spéciaux ont conclu que la LRT devrait être modifiée pour qu’elle considère un groupe de franchisés d’un franchiseur commun comme s’ils étaient un employeur unique avec plusieurs établissements.
Ils ont recommandé un modèle dans lequel les unités de négociation accréditées ou volontairement reconnues des différents franchisés d’un franchiseur commun représentées par le même syndicat dans la même zone géographique pourraient faire l’objet d’une demande par la CRTO pour qu’elles négocient ensemble avec les représentants des employeurs franchisés de cette zone. La CRTO pourrait demander de l’employeur la formation d’un organisme de négociation et en fixer les conditions, au besoin.
Les conseillers spéciaux ont conclu que la négociation collective dans des domaines et secteurs avec des franchisés est susceptible de n’être viable que si les unités peuvent être accréditées à petite échelle, comme dans le cas d’un seul établissement, pour être par la suite réorganisées et regroupées avec les autres établissements. Les conseillers spéciaux proposent de surcroît que la CRTO ait le pouvoir de forcer la négociation entre les entités regroupées des deux côtés et, à la demande d’une des parties, de faire en sorte que les dispositions d’une convention collective entre un franchisé et un syndicat soient appliquées, avec ou sans modification, à une unité de négociation nouvellement accréditée impliquant le même syndicat et un autre franchisé (pourvu que ce dernier soit issu de la même franchise).
Les conseillers spéciaux n’ont pas recommandé que le franchiseur soit lui-même considéré comme un employeur avec ses franchisés (à moins qu’il soit déjà un employeur lié au sens de l’article 1(4) de la LRT).
Les soins à domicile payés par l’État
Les conseillers spéciaux recommandent que le gouvernement lance rapidement une enquête spéciale en vue de sonder tous les intervenants et de faire des recommandations afin de déterminer si et comment la négociation collective centralisée dans le domaine des soins à domicile pourrait être établie dans un délai raisonnable. Cette enquête inclurait également la question de la résolution des différends.
Le droit au retour après la grève
En Ontario, les employés ont le droit de retourner au travail de façon unilatérale durant les six premiers mois d’une grève, sous réserve de certaines exceptions très limitées. Après cette période de six mois, tout droit au retour au travail est régi par le droit commun en matière de pratiques déloyales de travail et par le droit relatif à la négociation collective de bonne foi. Règle générale, les employés retournent au travail après la grève.
Les conseillers spéciaux ont recommandé que la LRT soit modifiée en vue d’éliminer, pour la période de six mois, le droit des employés en grève de faire une demande de retour au travail.
Le refus de réintégrer après la grève ou le lock-out
Actuellement, lorsqu’un conflit de travail est en cours, une convention collective n’est pas en vigueur et, donc, il n’existe aucune protection contre les congédiements sans motif valable ni de disposition sur l’arbitrage. Les gestes d’un employeur sont en conséquence régis par ses obligations de ne pas faire de discrimination sur la base des activités syndicales et de négocier de bonne foi. En outre, les parties au conflit de travail peuvent régler ces conflits, le cas échéant, au moyen de la négociation.
Les conseillers spéciaux ont recommandé que la LRT soit modifiée en vue de prévoir l’arbitrage en cas de refus de réintégrer un employé à la fin d’une grève ou d’un lock-out et relativement à toute mesure disciplinaire prise par un employeur au cours d’une grève légale ou d’un lock-out ou après l’expiration d’une convention collective.
Les pouvoirs correctifs : les ordonnances intérimaires et les audiences accélérées
Les conseillers spéciaux ont recommandé que le pouvoir actuel de la CRTO d’émettre des ordonnances intérimaires soit remplacé par un large pouvoir d’émettre des ordonnances intérimaires substantives à propos de toute question lui étant soumise, et ce, conformément à la Loi sur l’exercice des compétences légales.
Prolongation de la protection contre les congédiements sans motif valable à partir de l’accréditation
Une fois le syndicat accrédité, l’employeur doit « geler » les conditions de travail pendant la négociation de la première convention collective. La fin du lien d’emploi pour les employés à contrat ou lorsque certaines circonstances de l’entreprise ou du marché l’imposent est acceptable, sous réserve seulement que cette mesure ne doit pas être prise dans l’intention d’aller à l’encontre du syndicat ou en contravention de la LRT.
Les conseillers spéciaux ont décidé de ne pas recommander que tous les employés bénéficient de la protection contre les congédiements sans motif valable dès l’accréditation jusqu’à l’entrée en vigueur de la première convention collective. Par contre, cette position doit être lue parallèlement à la procédure proposée de méditation dirigée et à la proposition d’augmenter les pouvoirs correctifs discutés ci-dessus, tous deux permettant une flexibilité accrue pour la CRTO dans la gestion des plaintes pour pratiques de travail déloyales pendant cette période.
Le pouvoir des arbitres de prolonger les limites de temps dans la procédure d’arbitrage
Les conseillers spéciaux recommandent que le paragraphe 48(16) de la LRT soit modifié en vue d’y inclure la procédure d’arbitrage ainsi que la procédure de griefs. Selon cette proposition, un arbitre aurait le pouvoir de prolonger les délais s’il estime qu’il y a des motifs raisonnables pour la prolongation et que l’autre partie n’en subira pas un préjudice important.
En bonne partie, cette proposition viendrait simplement modifier la législation afin qu’elle reflète la pratique actuelle de plusieurs arbitres de prolonger les délais dans le cadre de procédures de griefs s’ils sont d’avis qu’il y a des motifs raisonnables de ce faire et que l’autre partie n’en subira pas un préjudice important.
Autres recommandations
Notre objectif avec le présent bulletin était de fournir un aperçu des plus importantes recommandations des conseillers spéciaux. Nous notons que le Rapport final contient des recommandations portant sur les poursuites, les sanctions, la preuve concernant l’adhésion électronique, la procédure de vote et l’établissement d’un Forum ontarien sur les milieux de travail. Tous ces enjeux feront l’objet d’analyse détaillée dans le futur.
Nous rappelons à nos lecteurs que le Rapport final contient des recommandations des conseillers spéciaux au ministre du Travail. Le gouvernement devra maintenant examiner ces recommandations et décider lesquelles doivent être adoptées et intégrées dans la législation. Ce processus d’examen pourrait prendre du temps, et certaines recommandations pourraient être mises en place plus rapidement que d’autres (surtout les recommandations pour lesquelles les modifications législatives et réglementaires seraient plus complexes). Hicks Morley continuera de suivre ce dossier et de s’assurer que la voix des employeurs est entendue et prise en considération par le gouvernement dans tout ce processus.
Pour toute question relativement à ce bulletin, veuillez contacter votre avocat chez Hicks Morley.
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